L’INTERVIEW VIP : VINCENT LUIS REGONFLÉ À BLOC !
Ses récentes performances ne sont pas passées inaperçues dans le monde du triathlon. Ou alors vous n’étiez pas connectés, isolés dans une rare partie du globe qui n’a pas la 4G… Sur la lancée de sa 2è place mondiale WTS obtenue en 2018, Vincent Luis a brillamment remporté la Super League Triathlon en février dernier à Singapour.
J’ai eu (plus que !) le privilège de rencontrer pour opentri.fr ce champion hors norme qui nourrit encore de grandes ambitions pour les années à venir. Une barre de céréales à la main, ‘‘à la cool’’, Vincent m’a accueilli dans un salon cossu parisien situé dans les locaux de Nike, un des ses partenaires. Posé, la parole facile et le débit rapide mais assuré, l’homme parait sûr de sa force… Pas de doute, quelque chose a changé chez ce Vince-là !
Vincent, depuis 6 mois tu enchaînes les grosses performances aussi bien en WTS* qu’en Super League Triathlon**. On a l’impression qu’un palier a été franchi. Le déclic de la trentaine qui approche ?
Ah ah…🤣 je sais pas, j’espère que j’en aurai un autre à la quarantaine alors ! Non, j’avais besoin de renouveler des choses dans mon quotidien et le fait d’avoir changé de groupe d’entraînement m’a donné une motivation supplémentaire et l’impression de redémarrer une carrière. Au fur et à mesure des années je me suis professionnalisé et je pense que j’arrive maintenant à ce palier où j’ai tout mis en place pour performer.
*Vainqueur de la finale ITU World Triathlon Series Gold Coast en Australie en septembre 2018, qui lui offre la 2è place mondiale.
**Vainqueur au général la Super League Triathlon en février 2019 à Singapour (ligue privée basée sur des formats courts, explosifs et spectaculaires)
Toute autre place en dehors de la plus haute marche devient donc une déception, comme récemment sur la WTS d’Abu Dhabi* ?
Oui, c’est vrai que c’est compliqué de se dire qu’à partir du moment où l’on gagne, eh bien… ce n’est pas normal de ne pas gagner par la suite, car c’est ce que les gens attendent. Mais c’est du sport donc cela arrive de ne pas être le meilleur le jour J. En tout cas, je voulais vraiment avoir cette consistance pour “jouer devant” et même être parmi les premiers dans un mauvais jour avec un niveau “plancher” comme à Abu Dhabi.
*Vincent a pris la 5è place juste derrière le Français Léo Bergère.
Tu as changé de structure d’entrainement courant 2018 pour rejoindre le JFT Crew*, groupe coaché par Joël Filliol, et dans lequel figure notamment le n°1 mondial Mario Mola. Qu’est-ce que ça a concrètement changé dans tes méthodes d’entrainement et… dans ta vie ?
Dans ma vie déjà, c’est que je passe beaucoup moins de temps chez moi. On est tout le temps en stage car ce sont des stages permanents. Donc je passe grosso modo une quinzaine de jours par an à la maison. Le reste de l’année ce sont des stages ou des déplacements au gré des courses, mais optimisés et minimisés pour mieux absorber le décalage horaire, les conditions climatiques ou un changement d’alimentation.
Comme une nouvelle logistique a été mise en place, je vis avec 50 kg d’affaires. C’est une vie différente, dédiée à l’entraînement, mais quand je me lève, mon coach a déjà tout planifié, tout étudié : météo, heure idéale pour aller rouler, courir… Une autre personne s’occupe de la logistique (avions, hôtels…). C’est une organisation que je voulais vraiment mettre en place dans le but de me professionnaliser et d’avoir une sérénité d’esprit pour me consacrer complètement à mon entraînement.
*JFT : Just Fucking Train 😉
Tu es réputé pour être un athlète complet, si ce n’est le meilleur, dans les trois disciplines. Mais quelle est ta discipline de prédilection – celle où tu te sens vraiment sûr de ta force – et celle où tu sens qu’il faut encore bosser ?
En discipline de prédilection, je dirais la natation. J’ai commencé à nager à 6 ans et c’est assez facile pour moi, voire instinctif. Je n’arrive même pas à expliquer à mon père comment nager !
Ensuite, c’est avec la course à pied qu’on remporte la course, donc on ne peut jamais se satisfaire du niveau de course à pied que l’on a, même si on est le numéro 1 mondial. Les natations sont de plus en plus rapides, les vélos de plus en plus éprouvants, il faut donc savoir courir vite dans un état de fatigue avancé. Donc oui, la course à pied reste le nerf de la guerre.
Objectif JO, Tokyo 2020. 2019 sera une année de préparation pour te qualifier pour tes 3è JO consécutifs. As-tu un sentiment de revanche par rapport à Rio 2016* ?
Revanche… je ne sais pas, car je suis dans un état d’esprit différent et je mène ma vie autrement par rapport à tout ce qui s’est passé avant Rio. Je pense que j’ai mûri, j’ai appris à ne pas vouloir maîtriser ce qui n’est pas maîtrisable et aujourd’hui j’optimise ma pratique, je suis plus serein. Ce n’est donc pas une histoire de revanche, mais juste l’envie de bien faire et de réaliser le jour J une course au niveau de ce que j’ai déjà pu faire sur des événements moins importants.
*Dans le trio de tête avec les frères Brownlee à l’entame de la course à pied, Vincent n’avait pu pleinement participer à la bataille et avait fini 7è.
Depuis 15 ans, ta carrière en triathlon est rythmée par des formats courts. Quelle place la longue distance occupe-t-elle dans ton plan de carrière ? Un Ironman® un jour ?
Très longue distance, hum… je ne pense pas. Je regarde ce qui se passe sur format Ironman* mais ça ne me fait pas rêver. J’ai vu certaines courses où les mecs sont seuls devant pendant 8h30, sans voir personne. Je préfère aller rouler 8h sur mon vélo tout seul.
En fait, ce qui m’a donné envie de faire du triathlon c’est de voir Fred Belaubre se dépouiller pour faire 5ème aux JO d’Athènes en 2004. Donc sur format 70.3**, comme ce sont des courses rapides qui se courent maintenant en 3h30, souvent avec des arrivées au sprint, ça correspond plus à l’adrénaline que je cherche dans le sport : être au contact, à la bagarre, avoir un ascendant psychologique sur l’autre.
*Ironman 140.6 : 3 800 m de natation / 180,2 km de cyclisme / 42,195 km de course à pied.
**Ironman 70.3 : 1 900 m de natation / 90 km de cyclisme / 21,1 km de course à pied.
Côté matos, on a vu lors de la 1ère manche de la Super League Triathlon à Singapour qu’une course peut se perdre sur de petits détails techniques*. Tu sembles toi-même très attentif au matériel. As-tu des rituels ou des exigences particulières ?
Oui. Je suis relativement exigeant, avec mon vélo surtout. C’est la partie mécanique du triathlon, c’est le truc qui fait partie des variables difficiles à maîtriser. Je suis assez regardant là-dessus mais j’ai la chance d’avoir un mécano qui me suit sur toutes les courses. Jusqu’ici j’ai eu très peu de problèmes mécaniques sur mon vélo. Bon, une crevaison c’est incontrôlable, ça m’est arrivé une fois en quinze ans…
Après je suis assez alerte sur l’évolution du matériel et tout ce qui peut permettre des gains marginaux. Depuis tout jeune, j’ai eu la volonté de m’entourer des leaders dans chacun des domaines car déjà en junior, mon objectif était… d’être le meilleur. J’ai même refusé certains contrats plus avantageux avec des marques car elles me paraissaient moins dans l’innovation et moins leaders dans leur approche.
*Vincent a subi une crevaison pour la 1ère fois de sa carrière en 15 ans, l’obligeant à finir la partie vélo sur la jante !
En tant que professionnel, tu es accompagné par des partenaires de qualité comme Specialized, Nike… Quels sont tes 3 équipements fétiches ?
Côté chaussures je dirais ma paire de Nike Vaporfly 4% (lire l’article opentri.fr), première chaussure au monde avec une plaque en carbone : j’ai été le premier à la porter en triathlon en 2017 et je gagne la grande finale à Rotterdam. Pareil pour ma paire de Nike Vaporfly 4% Flyknit : j’ai aussi été le premier à la porter en triathlon en 2018 et je gagne la grande finale à Gold Coast. Pour moi c’est une motivation supplémentaire au départ de la course car je sens que mes partenaires me font confiance en me mettant à dispo un tout nouveau produit.
Et évidemment mon vélo. Specialized a la même démarche d’innovation et de leadership. Ils ont été les premiers dans l’industrie du cycle à s’équiper d’un tunnel de soufflerie dans leurs locaux, ce qui est juste hallucinant ! Plus récemment ils m’ont fait un bel hommage avec un vélo customisé bleu-blanc-rouge (lire l’article sur le vélo de Vincent) car ils savaient que j’avais à cœur de représenter la France. La qualité du travail est franchement incroyable et je crois que les gens ont été ultra contents de voir ça.
On est justement dans les locaux de Nike. Quels sont les modèles que tu utilises entre entrainement, compet et lifestyle ?
Comme je dois optimiser le nombre de chaussures que j’emmène avec moi, à l’entraînement j’utilise 3 modèles : Vomero, Pegasus et Pegasus Turbo. La Vomero occupe 75% de mon temps : passe partout, bon maintien, adaptée pour les longues distances tout en restant légère. Pour le reste, je pense que la Pegasus est la meilleure chaussure qui a été créée au monde, la preuve mon père courait déjà avec les Skylon, les ancêtres de la Pegasus ! Et enfin la Pegasus Turbo (lire le test opentri.fr) pour les séances un peu plus rapides.
Donc en caricaturant j’utilise les modèles en fonction de mes tempo :
– jusqu’à 17 km/h : la Vomero
– entre 17 et 20km/h : la Pegasus
– au dessus de 20km/h: la Pegasus Turbo
Pour finir, quels conseils donnerais-tu aux débutants qui souhaitent se mettre au triathlon ?
Déja, prenez du plaisir ! C’est un sport individuel qui a le mérite de rapprocher les gens et qui surtout se démocratise. Ça devient même le « nouveau marathon » en termes de défi personnel. C’est aussi important de s’entourer d’un groupe d’amis, si possible de se rapprocher d’un club pour un regard extérieur.
Mais avant tout il faut prendre du plaisir car à moins d’être top niveau mondial, le triathlon ne vous rendra jamais tout ce que vous avez investi. Donc prenez ce que vous avez à prendre tout en gardant un certain recul sur votre pratique.
L’interview décalée – 30 secondes full gas !
- Ta plus grande satisfaction ? Ouh là… 🤔 Réussir à payer mon loyer sans l’aide de mes parents !
- Ton plus grand regret ? J’en ai pas beaucoup hein ! Mais je dirais ne pas avoir changé de groupe d’entraînement plus tôt.
- Ta plus grande peur ? Crever en course.
- Ton plus grand soutien ? Mes parents.
- Ce que tu aimes le plus ? Être entouré des gens que j’aime.
- Ce que tu détestes le plus ? Avoir des journées où je ne peux pas m’entraîner.
- Ton film culte ? Fight Club.
- Ta musique culte ? Seven Nation Army des White Stripes.
- Ton astuce matos ? Un peu de vaseline sur le rebord des chaussures pour pouvoir les enfiler plus vite.
- Ton truc spécial ”made in Vince” ? Faire attention à tous les petits détails pour les gains de temps faciles.
- Ton fantasme de triathlète ? Gagner les JO 🥇
- Ta devise ? Qui veut la paix prépare la guerre.
En bref – Vincent Luis
- 30 ans – 1,77 m – 65 kg
- Club : Sainte Geneviève Triathlon
- Entraineur : Joël Filliol
- Débuts en triathlon : 2003
- Palmarès (non exhaustif 😅) :
- Vainqueur Super League Triathlon 2019
- 1er Mondial ITU WTS 2019
- Vainqueur ITU WTS finale Gold Coast Australie 2018
- Champion du monde relais mixte* ITU 2018
- Champion de France courte distance** 2018
- Vainqueur ITU WTS finale Rotterdam 2017
*Relais 🇫🇷 avec Cassandre Beaugrand, Léonie Périault, Dorian Coninx.
**750 m de natation, 20 km de cyclisme et 5 km de course à pied.
Pour suivre son actualité, vous pouvez retrouver Vincent sur ses pages Facebook & Instagram
Propos recueillis par Cédric Le Sec’h @cedriclesech
Média : article publié sur opentri.fr le 18/03/2019
Crédits photos : Facebook Vincent Luis / Taylor Spivey / Tommy Zaferes / Joël Filliol / World Triathlon / Super League Triathlon / @cedriclesech
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