EMIE SEBAN : ALLER LE PLUS HAUT POSSIBLE

Son nom ne résonne probablement pas (encore) de façon familière dans vos têtes. Emie Seban, triathlète française de 23 ans qui court en groupe d’âge dans la catégorie 18-24 ans, commence néanmoins à se faire une place et… un nom dans le triathlon longue distance, avec  plusieurs victoires et podiums dans sa catégorie  sur format 70.3.

Dans cette période de confinement rendant délicate la pratique du triple effort, la jeune triathlète pleine de peps et à la voix chantante s’est confiée à nous. Le discours posé, les idées claires et sûre de sa force, elles nourrit de grandes ambitions pour les années à venir pour notamment passer professionnelle, tout en étant consciente des difficultés pour y parvenir.


Emie, comment es-tu arrivée dans le triathlon ?

J’ai commencé par le tennis vers mes 17 ans, tout en faisant de la course à pied à côté pour améliorer ma condition physique générale. Comme je courais beaucoup, évidemment je me suis blessée au genou. Donc j’ai fait un peu de VTT et de natation, ce qui m’a naturellement amenée au triathlon, à l’âge de 19 ans.

Aujourd’hui, tu es encore groupe d’âge, mais quel est ton objectif à court / moyen terme du coup ? Passer pro et vivre pleinement du triathlon ?

Exactement. Cela fait un peu plus d’an que j’ai l’objectif de passer professionnelle. Mais je me laisse assez de temps, car je n’ai encore que 23 ans, et la plupart des filles sont passées pro plus ou moins aux alentours de 25 ans. Surtout que sur longue distance, on peut faire des carrières un peu plus longues. Donc mon objectif à court terme, c’est de faire les meilleurs résultats possibles cette année et l’année prochaine, pour ensuite obtenir ma carte pro.

Après de belles perfs sur distances sprint et olympique, tu es passée sur longue distance fin 2018 et tu as enchainé plusieurs victoires et podiums dans ta catégorie d’âge de 18-24 ans. Quel a été le déclic pour passer sur le long ?

Finalement, j’ai toujours aimé les efforts d’endurance. Quand j’ai commencé la course à pied, je n’aimais pas trop faire de la vitesse, je préférais courir tranquillement ! Et surtout plus longtemps. Je me suis alors rendue compte que sur courte distance, sans une très bonne natation permettant de sortir devant, c’était ensuite impossible pour moi de revenir sur le pack de tête. Alors que sur le long, avec un type d’effort qui me correspond beaucoup mieux, je pouvais compenser le temps perdu en natation grâce au vélo et à la course à pied.

Je veux terminer l’année n°1 mondiale de ma catégorie et passer pro en 2021.

Tu as d’ailleurs remporté ta catégorie d’âge 18-24 ans à l’Ironman 70.3 de Bangsaen en Thailande, le 23 février dernier. Victoire qui t’a offert la place de n°1 mondiale et nationale dans cette catégorie selon le classement AWA. Qu’as-tu ressenti à ce moment ?

Honnêtement, c’était une course que je n’avais pas vraiment préparée, car elle était positionnée en début de saison. En plus, j’avais fini tardivement la saison 2019, sur une victoire de ma catégorie au 70.3 de Turquie. Ceci dit, la victoire de ma catégorie en Thaïlande, je prends ! Car ça fait toujours plaisir de commencer une saison comme ça. Après concernant la place de n°1 mondiale de catégorie, avec le confinement, il n’y a pas eu beaucoup de courses, donc je la conserve pour l’instant et c’est top.

Le plus dur étant de rester au sommet, l’objectif est donc de conserver cette place à tout prix ?

C’est ça. En fait, je veux terminer l’année n°1 mondiale de la catégorie. Le classement AWA fait qu’il peut y avoir plusieurs n°1 mondiales. Il faut gagner 3 courses pour y parvenir. J’ai déjà coché une case, et dans les courses que je me suis fixées, je pense pouvoir encore en gagner 2. C’est l’objectif.

Tu es aussi qualifiée pour les prochains championnats du monde 70.3 à Taupo en Nouvelle Zélande le 29 novembre prochain. Après Nice en 2019, 2 championnats du monde 70.3 d’affilé, c’est une sacrée fierté non ?

C’est surtout une fierté car ça ne fait pas longtemps que je fais du triathlon, d’autant plus sur longue distance. 2019 était ma première vraie année de courses en 70.3. Donc c’est vrai que c’est une petite victoire personnelle, et ça récompense aussi le travail accompli et l’investissement réalisé.

Justement, à propos de Nice, qu’as-tu appris lors de ces championnats du monde 70.3, où le niveau était extrêmement relevé ?

Oui, le niveau était extrêmement relevé, ce qui est en général le cas sur les courses en Europe, bien plus que sur les courses en Asie ou aux États-Unis. Sur la course en elle-même, malheureusement j’ai été un peu malade. J’ai vomi sur le vélo, je n’ai pas pu m’alimenter correctement pendant le semi-marathon. C’était un peu un parcours du combattant pour finir ! Mais ce que j’ai retenu, c’est qu’il ne faut pas se croire plus forte que les autres, surtout sur longue distance. Car il y a toujours des aléas, des éléments qu’on ne contrôle pas qui peuvent venir perturber les plans, malgré tout l’entrainement réalisé en amont.

Revenons à l’actualité. Dans cette période particulière que nous vivons avec le confinement, comment t’es-tu adaptée ?

Dès le début du confinement, j’ai établi une routine d’entrainement, pour ne pas perdre le fil. Ça me permet de valider mes séances correctement. Ensuite, pour palier la natation, un peu comme tous les triathlètes et nageurs en ce moment, je travaille beaucoup avec les élastiques. Je fais aussi plus de renforcement musculaire que d’habitude, ce qui finalement n’est pas si mal. Car lorsque l’on sortira de cette période, le corps sera plus fort avec toute cette PPG.

Pour le vélo, je ne fais évidemment que du home trainer. Mais je me rends compte que ça me fait beaucoup progresser, car il n’y a jamais de temps mort et on est tout le temps en prise. 2h de home trainer, j’ai l’impression que c’est comme 3h sur la route ! Enfin en course à pied, vu qu’on peut quand même courir 1h par jour à l’extérieur, j’essaye d’exploiter ce créneau au maximum pour faire des grosses semaines.

Concernant le home trainer, tu as d’ailleurs participé à ta première course Zwift. Qu’est-ce que ça a donné et qu’en as-tu pensé ?

Honnêtement, j’étais un peu réticente au début. Je me disais « bof, ça m’intéresse pas trop les courses virtuelles »… Mais c’est vachement prenant en fait ! Une fois dedans, on ne se rend pas compte qu’on appuie autant sur les pédales. Car j’étais 50 W au dessus de ce que je fais d’habitude sur certaines séances. Sur la course que j’ai faite, il y avait pas mal de filles, avec 60 coureurs au départ, et je finis 15è ou 16è je crois. À l’arrivée, malgré la difficulté, c’était une super expérience et je pense que je vais en faire d’autres.

Et en temps normal, comment s’articule ton entrainement sur une semaine ?

Si on synthétise mon entrainement, cela correspond à un volume compris entre 25 et 30h. Avec 7 à 8h de natation pour 25 km, 13 à 15h de vélo aux alentours des 400 km, et entre 40 à 50 km de course à pied, donc plus ou moins 5h. Il y a des journées plus difficiles que d’autres, où j’ai 3 séances d’intensité, et des journées moins intenses mais avec des sessions plus longues, notamment en vélo et natation. Je travaille avec le même entraineur depuis maintenant 3 ans, donc il me connait bien maintenant et on sait comment travailler l’un avec l’autre. Du coup, je ne fais plus toutes les erreurs que j’ai faites par le passé et j’arrive à trouver un bon compromis entre gros volume d’entraînement et récupération.

C’est effectivement un volume d’entraînement assez conséquent et en même temps cohérent pour performer sur longue distance. As-tu en parallèle une activité professionnelle ?

Non, car j’ai fini des études de sport avec le STAPS à Toulon. Donc je pourrais éventuellement faire du coaching à coté. Mais pour l’instant j’ai la chance de pouvoir me consacrer pleinement au triathlon. J’ai également commencé depuis quelques mois à travailler avec un agent, qui s’occupe de me trouver des sponsors, des partenaires et des budgets pour financer mes saisons. Et pour l’instant, ça se développe plutôt bien.

Même si il n’y a pas courses, pourquoi ne pourrait-on pas s’entrainer ?

Tes prochaines courses auraient dû être l’Ironman 70.3 de Barcelone le 17/05 et l’Ironman 70.3 du Luxembourg le 14/06. Ironman a annoncé le report inévitable de ces courses en raison de la crise sanitaire mondiale. Ce sera le 04/10 pour Barcelone, mais la date pour le Luxembourg reste à confirmer. Sans trop de visibilité, comment gères-tu cet aléa et quel est ton plan B ?

Après tout, même si il n’y a pas de courses, pourquoi ne pourrait-on pas s’entrainer ? Donc je m’entraine le plus que je peux, en faisant de mon mieux, comme j’ai l’habitude de le faire. Je fais des grosses séances, et je me dis que je peux progresser en vélo et course à pied. En fait, la prochaine course que j’aurai dû faire, c’est le 70.3 de Vichy le 22/08*. Course qui en plus était devenue qualificative pour les championnats du monde 70.3 de 2021… Mais je continue quand même de m’entrainer dans cet objectif de qualification.

*ndlr : l’Ironman Vichy et le 70.3 Vichy ont été annulés le 06/05 et reportés en 2021.

Et par la suite, quelles ambitions nourris-tu pour la saison 2021 ?

Si je n’arrive pas à faire de bons résultats cette année pour passer pro, et bien j’essaierai de les obtenir en 2021. Mais j’aimerais bien que 2021 soit ma première année en tant que pro !

Tu as fait partie de plusieurs club de ta région : St Raphael, Monaco. Aujourd’hui, tu es encore licenciée à Monaco, mais tu cours sous les couleurs de All Management. Peux-tu nous en dire plus ?

Alors All Management n’est pas un club, mais l’agence développée par mon agent, avec laquelle je travaille depuis novembre 2019. Je suis effectivement toujours licenciée au club de Monaco, mais sans subvention. Donc sur ma trifonction de course figurent les noms des partenaires qui m’accompagnent financièrement et matériellement, par le biais de All Management

Au niveau de tes partenaires, tu es ambassadrice de Protéines + pour la nutrition, du laboratoire La Mandorle. C’est important pour toi ce côté végétal et Français pour la fabrication ?

Oui. Personnellement, je ne pourrais pas m’associer à une marque si je n’aime pas les produits qu’elle développe et que je n’y crois à 100%. Ça fait 2 ans que je suis végétalienne, à savoir une alimentation sans viande ni produits laitiers, et je trouve que ce sont vraiment des produits d’une qualité exceptionnelle, qui me conviennent. Et je ne dis pas ça juste parce que je suis sponsorisée ! En plus, ils sont développés en France selon la norme de l’agriculture biologique. Donc oui, pour moi, c’est important. D’autant plus que la marque me soutient totalement.

Ne surtout pas négliger la récupération.

Tu dis toi-même que la nutrition est la 4è discipline du triathlon. Quelle est ta petite astuce en nutrition sur les longs formats ?

Sur le long, c’est d’avoir ce qui convient le mieux pour soi, pendant la course. Sur mon premier 70.3, j’ai eu des problèmes gastriques. Comme je n’avais jamais fait cette distance en course, je me suis trop alimentée, ce qui m’a causé pas mal de soucis sur la fin. Donc il faut avant tout tester la nutrition de course pendant l’entrainement, voir ce qui fonctionne le mieux, pour pouvoir le répliquer en course.

Quels sont tes autres partenaires principaux ?

Alors je travaille aussi avec Gesys Ingénierie, un bureau d’études et d’ingénierie qui accompagne les entreprises dans la conception et la réalisation d’ouvrages. En vélo, j’ai la chance d’avoir comme partenaire la marque Specialized France, et le magasin Two For Bike à Aix en Provence, qui prépare et s’occupe de mon Shiv.

Tu sembles également apporter une attention particulière à la récupération, les étirements, les massages, des aspects de l’entrainement bien trop souvent mis de coté par la majorité des triathlètes. Quel est ton conseil là-dessus ?

Mon principal conseil, c’est effectivement de ne surtout pas négliger tous les petits à-côtés de l’entrainement, comme le rouleau, les massages, les étirements… C’est peut être un peu pénible à faire tous les jours mais cela peut permettre d’éviter pas mal de blessures. Car si un triathlète enchaine les blessures, il ne progressera pas. Alors qu’avec une bonne récupération, on gagnera à l’arrivée du temps en étant à 100% pour faire les séances correctement, sans se blesser.

Tu es très présente sur les réseaux sociaux : Instagram, Facebook, Linkedin…. Tu as même ton propre site internet et tu as lancé ta chaîne YouTube il y a quelques années déjà. Pour toi, c’est indissociable de la triathlète moderne ? Être connectée et partager sa passion, surtout avec du contenu de qualité ?

C’est ça. Je pense qu’aujourd’hui, pour un triathlète qui veut développer sa communauté et ses partenaires, c’est une obligation. Car ce que recherchent les marques, c’est bien sûr que son athlète fasse de bons résultats, et également d’être vue, grâce à la communication de son athlète. Et cette visibilité-là, c’est en très grande partie avec les réseaux sociaux que je peux leur apporter. Ensuite, j’aime aussi beaucoup parler de ce que je fait, pour aider les gens en répondant à leurs questions et peut être pour les inspirer. Sans tous ces supports digitaux, sans les réseaux sociaux, on peut être très bon en triathlon mais sans forcément être connu et pouvoir développer son image et son activité.

Passer sur Ironman m’attire de plus en plus… mais en tant que pro !

Ton logo reprend le dégradé de l’arc en ciel, les couleurs notamment présentes sur les maillots de champions et championnes du monde en cyclisme. C’est un design prémonitoire ? Car quel est ton objectif à long terme ? Être championne du monde ITU, Super League Triathlon (SLT), Ironman ?

Ah ah… l’objectif oui c’est d’aller le plus haut possible dans le classement mondial. Personne ne sait où se situent ses propres limites, donc je vais essayer d’aller chercher les miennes. Après concernant mon logo, on a pas mal travaillé dessus avec mon agent, et comme j’aime bien les dégradés, on est arrivé à ce design. Il n’y avait pas forcément de connotation championne du monde. Mais maintenant que tu me le dis, je le vois différemment !

Quel est du coup l’objectif ultime sur le long terme ? Passer sur la distance reine et se qualifier pour Kona ?

Oui j’aimerais bien… vraiment. Mais en pro ! Je n’ai pas envie de faire d’Ironman en groupe d’âge, sans prendre ma carte pro. Je sais que j’ai les ressources physiques et mentales pour passer sur cette distance, et je pense que je franchirai le pas en 2021 ou 2022. Car c’est quelque chose qui m’attire de plus en plus.


L’interview décalée – 30 secondes full gas !

Ta plus grande satisfaction ? Ma victoire en catégorie sur le 70.3 de Turquie.
Ton plus grand regret ? Ne pas avoir fait d’Ironman 70.3 plus tôt.
Ta plus grande peur ? Ne pas être capable de donner 100%.
Ton plus grand soutien ? Mon chéri.
Ce que tu aimes le plus ? M’entrainer.
Ce que tu détestes le plus ? Rouler sous la pluie !
Ton film culte ? Million Dollar Baby.
Ta musique culte ? Lose Yourself d’Eminem.
Ton astuce matos ? Utiliser ce qui fonctionne le mieux pour soi.
Ton truc spécial ”made in Emie” ? Avoir une machine qui fait des smoothies tous les jours.
Ton fantasme de triathlète ? Que sur une course, tout se passe bien de A à Z.
Ta devise ? “Dream big. Work hard. Be Patient.”

En bref – Emie Seban

France – 23 ans – 1,60 m – 48 kg
Club : AS Monaco
Entraîneur : Morgan Steinackre
Débuts en triathlon (longue distance) : 2018
Palmarès :
– 1è (cat. 18-24 ans) Ironman 70.3 Turquie 2019
– 1è (cat. 18-24 ans) Ironman 70.3 Bangsaen 2020
– 2è (cat. 18-24 ans) Ironman 70.3 Rappserswil 2019

Pour suivre son actualité, vous pouvez retrouver Emie sur son site emieseban.com et sur ses pages linkedin, facebook et instagram.
Propos recueillis par Cédric Le Sec’h @cedriclesech
Média : article publié dans Trimax n°196 le 10/05/2020
Crédits photos : Facebook & Instagram Emie Seban